La mouche domestique (Musca domestica) n'est pas un animal comme les autres. D'abord parce que bien qu'habitant la maison, elle n'y est pas la bienvenue, ni elle ni ses innombrables bambins grouillants, ni son vrombissement importun, ni son affreux manque de bienséance à table. Exit donc l'équivalence avec les autres animaux domestique : le chat, le chien, le gardon carpé, le hamster acrobate, le rat mutin, l'araignée mangeuse de rêve et toute la basse-cour qui n'a le droit d'entrer que s'il pleut dehors et encore, en mettant les patins. Ensuite parce qu'elle est la seule créature terrestre capable d'ubiquité, ce qui n'est pas rien : elle est ici tout en étant là-bas. On veut l'aplatir sous notre main ! Diantre, la voilà déjà sur notre nez ! Guère étonnant : elle y était déjà.
Alors, pourquoi ? Parce qu'elle est mal élevée ? Parce que son éducation laisse à désirer ? Parce qu'elle aime les blousons noirs, les motos, vroum, vroum, et le cheveux gominés ? Oui, mais pas seulement…
La mouche, cela a été dit, a un don. Elle est maîtresse de l'espace, de l'ici-là-bas. À force de se téléporter et de se dédoubler elle a oublié la bienséance et où elle se trouvait. Elle s'est perdue elle-même, un beau jour de printemps, et se recherche depuis lors. Alors peut-on lui en vouloir à cette petite bestiole inoffensive, mais assez craspouille, d'être aussi impolie ?
Je ne sais pas. Je pose la question. Libre à chacun de la soulever, de la soupeser, de la mettre sous son bras et de rentrer chez soi pour la placer au-dessus de la cheminée à côté de la photo de famille.