Immobile, l'araignée guette sa proie. Elle peut l'attendre des heures, bien confortablement assise derrière son volant, tenant un sandwich d'une patte et un soda de l'autre, les yeux cachés derrière d'épaisses lunettes fumées et la moustache en bataille. Lorsque le délinquant insecte, pointe le bout de ses antennes pour se prendre tout seul dans son filet, littéralement, elle peut finir sa boisson, lisser sa moustache et sortir nonchalamment de son véhicule pour intervenir, du moins si c'est un aranéide tricoteur. Dans le cas contraire, elle fait claquer sa portière, relève le col de son blouson, réajuste ses lunettes et entame une course-poursuite dans les ruelles encombrées de boîtes de cartons vides de la ville.
L'araignée aime l'ordre, la discipline et manger ses victimes avec des pommes de terre et une pointe de paprika. Elle ne travaille qu'en solitaire, que ce soit pour tisser sa toile ou lutter contre la pègre. Il lui arrive parfois d'utiliser des mouches repenties comme indics, mais ces dernières finissent inévitablement dans une assiette accompagnée d'une purée et d'un peu de persil.
La nuit, lorsque la maisonnée est silencieuse, exception faite des ronflements de ses habitants endormis, et le bois des escaliers qui travaille, l'araignée, ayant fini son service, se détend en avalant l'adjoint que lui a refilé son chef colérique, son chef colérique et les rêves des humains. L'araignée est une grosse mangeuse.