La framboise, comme tout bon fruit respectueux des traditions, pousse sur un arbrisseau, à défaut, certes, de plus grand, de plus majestueux, de toujours plus haut vers les cieux, d'un arbre quoi, le framboisier (Rubus idaeus). Ce dernier, qu'il est possible de traduire hardiment ronce d'Ida sans provoquer le courroux des gardiens du savoir ancien, est une nymphe garde-manger du jardin. Cette ronce permet au voyageur affamé de se repaître à peu de frais, exception faite, dans le cas d'une violation de propriété, du tir d'espingole dans la partie arrière et charnue de sa personne par le maître du lieu.

Passés les hordes d'oiseaux chapardeurs de retour des grandes migrations (mises en place, ne l'oublions pas, par le front populaire aviaire), les nuées de guêpes gloutonnes, les troupeaux de scouts faméliques, le cueilleur aura bien de la chance de trouver encore quelques drupes bien rouges sur l'arbrisseau, don des dieux de l'Olympe à leurs admirateurs¹. À moins, bien entendu qu'il ne fasse partie des trois groupements animaux cités expressément deux lignes plus tôt, il ferait bien de risquer de perdre le peu de dignité qui lui reste en narguant le tireur d'espingole fou dans sa propriété s'il veut vraiment profiter de ce bienfait naturel, sain et plein de vitamines, la framboise. Quel beau nom que celui-là !

Reste le problème des Hommes-Vampires de la Planète Xanthis qui peuvent se lasser d'engloutir inlassablement le même type d'âmes humaines sans goût que la société industrielle produit à tour de bras et qui n'ont cure des menaces d'un vieux cinglé et de son arme à feu d'un autre âge. Surtout que c'est rien bon les framboises.

Place donc, une fois encore, au miracle de la pensée moderne, au chasseur d'entités extra-terrestres néfastes, au philosophe aventurier armé de son seul tromblon dialectal, Arthur Schopenhauer qui saura bien nous dépêtrer de cette situation. Nous l'en savons capable.