Pédaler dans la cancoillotte

Lorsque certains pensent l'avenir, d'autres foulent aux pieds la table du passé et, ce faisant, la débarrassent de ce qui est posé dessus, en une danse élégante, qui n'est pas sans rappeler la tarantelle (Tarantella) : la tabula rasa. Cela demande de la pratique, de l'habileté, des mollets d'acier, un courage à tout épreuve et du temps à perdre : ce n'est pas chose aisée, mais cela s'apprend.

Dans certains coins du Jura, les jeunes philosophes des montagnes accompagnent cette danse, ce rituel ancestral marquant le passage à l'âge adulte, par la consommation excessive de fromage sous toutes ses formes. Et l'on discute jusqu'à pas d'heure dans des chambrettes estudiantines en refaisant le monde. L'enthousiasme des universitaires vingtenaires, voire plus jeune encore, n'est pas du goût du voisin du dessous, qui aimerait bien dormir et être frais et dispos lorsque le réveil sonnera la fin de la récréation : au travail ! Les tâches ingrates et répétitives n'attendent pas !

Est-ce cela pédaler dans la cancoillotte ? Non. Enfin, oui et non. Nous avons fait fausse route depuis le début. Nous pensions parler produits laitiers et spectacle vivant et nous revoilà à causer pour ne rien dire en disant, à mots couverts, tout le mal que nous pensons du système actuel d'asservissement au travail. Nous stagnons dans la critique oiseuse. Nous pataugeons dans l'inutile.

Je réitère ma question : est-ce cela pédaler dans la cancoillotte ? Cette fois-ci, oui. Et pour éviter cet écueil, agissons ! Allons dans les sommets, nous trémousser au son du cor des Alpes et de la cornemuse des Pyrénées (samponha disent les indigènes) sur de grandes tables chargées de spécialités locales ! Ayons un but, concret : combler le vide de notre existence qui, si nous n'y prenons pas gare, risque de prendre toute la place, ce qui est fort de café pour un truc somme toute vide.

Le voisin n'est pas content. Allons-y doucement tout de même. Et puis c'est bon la cancoillotte. Le livarot aussi. Le gorgonzola ? Bien sûr !