La croisière bigarrée

Le 18 décembre 1927, au matin, il fut décidé sur un coup de tête par Harvey Firestone, empereur du caoutchouc, une expédition automobile d'ouest en est de l'Europe dans le but de promouvoir le pneumatique sous toutes ses formes. Plein aux as, le magnat du boyau regroupa les plus grand spécialistes de la chambre à air, les mis dans quatorze Duesenberg Model J, remplies à craquer de pneus Firestone, de verroterie pour amadouer l'autochtone et de bondieuseries moches et les envoya vers le vieux continent, à bord du SS Île de France, non sans verser une petite larme. Toute la troupe arriva au Havre le 29 décembre. Après un petit en-cas, l'équipage se dirigea vers Brest où l'on fêta la nouvel année et annexa le Finistère aux États-Unis.

Après avoir fait le plein de spécialités locales et d'essence, on embaucha quelques locaux : un barman moustachu, un docteur à lunette, un capitaine et sa fille, un commissaire en chef et une directrice de croisière ainsi que quelques célébrités d'Hollywood dont un couple sur le point de divorcer (ils se réconcilieront à la fin) et deux autres qui découvriront le grand amour en chemin. On mit en place le tout premier radio-crochet de Bretagne pour choisir la personne qui chanterait le générique de ce qui deviendra « La croisière bigarrée ». Le titre — the Love Tire — fit un tube. Le chemin fut le suivant :

Cette aventure fut une réussite sur tous les tableaux pour le roi de la gomme qui devint encore plus riche et encore plus puissant, jusqu'au jour — le 10 février 1938 pour être précis, soit un mois après leur indépendance et quinze jours après leur annexion à la république française — où les indépendantistes du Finistère décidèrent de se cotiser pour acheter les services de la sorcière-rebouteuse-charlatan de Pluguffan. La vieille femme lui jeta un sort. L'homme étant mort trois jours plus tôt ce fut un semi-réussite.