L'erreur

Cuiusvis hominis est errare1), comme disait Cicéron (Marcus Tullius Cicero). Il avait raison : le roi de la bourde, l'empereur de la boulette, c'est, de toutes les animaux, sans aucun doute, l'homo sapiens sapiens sapiens — comme quoi on peut être trois fois sages et se tromper tout le temps.

Le bipède maladroit n'aime pas trop cette position dans la hiérarchie animale. Par contre se balader debout sur ses deux pattes postérieures, il n'est pas contre. Il aurait néanmoins préféré avoir la place du guépard, le Tancrède Falconeri de la de la savane, ou du tigre, le premier flic de la jungle. Pendant ce temps là, dans les romans, certains racontent comment il est devenu le nec plus ultra, la crème de la crème du règne animal. Quelle imposture !

Mais laissons un instant de côté cet être maladroit, tout en jetant un regard noir aux gâte-papier mystificateurs, ces romanciers au rabais, pour revoir nos notes. Moui… mes excuses : l'erreur n'est pas, n'en déplaise à Cicéron, le propre de l'homme. Non. Le proconsul avait tort. Retour à la case départ.

Un autre proconsul, primate tout comme le romain, mais ayant vécu en Afrique de l'Est il y a des millions d'années — nommons-le Cicéron, pour pouvoir le confondre avec l'autre — avait, eu la mauvaise idée, un jour, de faire de la politique. Grave erreur ! Il s'en sorti mieux que l'autre, certes, mais, après avoir tenté de prendre le contrôle du petit groupe de proconsuls de ce coin de forêt en provoquant en duel le chef, Marc-Antoine — c'est le premier nom qui me vient en tête — se prit une rouste et fut exilé. Il dut descendre piteusement de l'arbre, son baluchon sur l'épaule, et partir loin, seul et abandonné de tous.

Le grand mage Lucien, qui n'était ni proconsul, ni proconsul, avait le don exceptionnel de se tromper à chacune de ses prédictions. Extralucide, si l'on en croyait sa carte de visite, il avait vu dans le fond de sa tasse de café, la guerre civile Suisse en 1928, la victoire du Lichtenstein à la coupe du monde de football de 1934 et l'engloutissement de l'Islande suite à un tremblement de terre. Si j'en crois mes fiches, rien n'arriva. Un esprit rationnel pourrait penser qu'un tel hurluberlu ne pouvait avoir la moindre clientèle. Que nenni ! On se bousculait dans sa roulotte, qu'il avait installé prêt de son château, pour se faire lire les lignes de la main, tirer les cartes et vider le porte-monnaie.

Hélas pour lui, il lui vint un jour l'idée, sur une mauvaise lecture d'écailles de tortues, de faire de la politique. Il tenta, en 1949, de détrôner le roi des Belges, en le poussant. Le souverain tomba. De rage, Léopold III, puisque c'était son blase, lui mit une rouste et l'exila. Le mage parti s'installer au Kenya. Il y découvrit, un matin, les ossements d'un proconsul, alors qu'il arrosait les plantes de son jardin. Il n'en fit rien, vu qu'il n'y connaissait rien.

Au même moment, les deux Cicéron, depuis longtemps décédés, décidèrent de ne rien faire. J'avais oublié qu'ils étaient morts. Dommage ! J'avais prévu une fin grandiose, mais j'avais omis ce détail. Mince !

1)
Ne désespère pas, camarade non-latiniste ! Une traduction, arrive tout de suite. Elle ne va pas tarder. Ah, je crois qu'elle est là… Ah non, en fait, non ; c'était un colis pour la voisine. Dans quelques secondes… Encore un peu de patience. Hmm… oui. Voilà, voilà… Ah ! La voici : « C'est le propre de l'être humain de se tromper ». Qui l'eût cru ?