Phénomène inévitable, cette période de la vie s'intercale entre la haute enfance et la basse maturité. Le sujet, car cela ne concerne en général qu'un individu à la fois — ils peuvent être plusieurs, selon les arrivages —, passe du stade de têtard à celui d'amphibien adulte en moins de deux, mais le plus souvent en cinq ou six (ans) ; c'est selon. Certains, tels des axolotls malheureux, n'atteindront jamais cet âge d'or, et resteront à l'état larvaire toute leur vie : de la vraie graine de voyou — les jeunes, pas l'axolotl, qui lui est gentil. À l'inverse, de rares chanceux, développeront un disque facial de toute beauté ; la condition sine qua none étant néanmoins d'être un mâle orang-outan dominant. Mince !

On passera très vite sur la difficile transformation du corps du sujet. Tout s'allonge, enfle, se couvre de poil d'une manière plus ou moins harmonieuse. Les odeurs se diffusent. C'est le printemps.

Les phéromones aidant, les individus se reconnaissent entre eux et très vite, se regroupent en hordes. Celles-ci, imbues d'elles-mêmes, partent à la conquête du monde civilisé en laissant derrières elles un sillage de destruction. Elles bousculent les grand-mères, vident le frigo, laissent le linge à laver s'accumuler sur le sol de la chambre, quand ce n'est pas sous le lit à côté d'une vaisselle sale oubliée trois semaines auparavant, parce que les lasagnes, c'est tout de même meilleur quand on ne les mange pas à table avec le reste de la famille.

Ces adultes en devenir étant en surplus d'énergie, malgré une hyperactivité métabolique caractérisée par une faim inextinguible, tentent, entre deux en-cas de la dépenser par l'action : la guitare, le football, le shopping, le trekking, la lecture, la natation, les gros mots, la boxe, tout faire pour ne pas se laver, l'ennui, la douche pendant des heures, ou tout ça à la fois. Les plus téméraires n'hésitent pas une seule seconde avant de se lancer à corps perdue dans un marathon téléphonique de plusieurs jours, en mangeant des lasagnes dans une chambre en désordre. Ah, la folie de la jeunesse !