C'est parce que j'ai pris du ventre que vous dites ça ? Non ? Vraiment ? La brioche, par son moelleux et son goût sucré vous emporte, dès la première bouchée, dans le monde enchanté de l'enfance. Oublié les ouvrages incompréhensibles et poussiéreux, les colloques interminables dans des petites villes perchés dans les Alpes suisses, les disputes philologique entre le velouté de betteraves au raifort et l'émincé à la zurichoise, vous voilà revenu au temps de la communale, du cartable sur le dos et de la bonne odeur des copies sortant du duplicateur à alcool.
Voilà. Une madeleine de Proust, en quelque sorte. J'ai faim. Vous n'avez pas faim, vous ?
Exactement. Il fait faim et mon ventre me le fait savoir. Il gargouille, il se plaint, il s'exprime.. Il fait un récital. Le borborygme, c'est de la musique. C'est toujours inattendu. Vous avez remarqué que ce bruit du corps n'est pas tabou comme peuvent l'être les éructations et les flatulences ? Non ? C'est sans doute parce que le son est produit à l'intérieur et, plutôt que de couper l'appétit, il l'annonce en fanfare, en début et en fin de repas. C'est du moins le cas dans notre société, car je suppose que vous en faites aussi partie. Me trompe-je ? Pardon ? Ah, oui, je dis « me trompe-je ». C'est un question, donc le sujet, moi, est placé après le verbe. J'aurais pu dire « Est-ce que je me trompe ? », mais je ne l'ai pas fait ; en fait si, à l'instant, mais l'effet est perdu. Perdu, comme l'appétit au moment où j'ai parlé de flatulences. Mais parlons d'autre chose, voulez-vous…
À « Si vis pacem, para bellum », je répondrai « Pax in terra hominibus bonae voluntatis », car « Pax melior est quam iustissimum bellum ». Voilà. J'ai fait le tour de la question en trois locutions latines. J'en conclus que la question rentre dans un triangle. Je l'y ai enfermé. Je me dépêche d'en jeter la clef. Cela évitera que certains normopathes 'envoient à la guerre la jeunesse pour qu'elle y disparaissent. C'est moche la guerre. Vous m'avez fichu le bourdon, je ne vous félicite pas. Le bourdon, d'ailleurs…
…Oui, ou le bouzouki, pourquoi pas ! Vous avez de la chance, la musique grecque et moi, c'est le grand amour. D'ailleurs, attendez un instant…
« Josiane, tu sais où j'ai mis mon bouzouki ?… Mon bouzouki ! Mais si, il n'était pas à côté de l'escalier ? … Non, pas le poncho, le bouzouki ! Comment ça tu l'as mis à laver ? Non, l'instrument de musique grec ! Oui, promis, je ne vais pas en jouer. C'est juste pour montrer à la demoiselle… Oui ? Ah oui, je l'ai trouvé. Merci Josiane. »
…Voilà. Mon bouzouki. Bel instrument, n'est-ce pas ? C'est encore mieux quand on en joue. Je vais donc vous jouer « Thessalonique », de Yórgos Zambétas…
Musique
Mais ! Josiane, lâche cet instrument ! Je n'ai pas fini mon morceau. Josiane ! Bon, elle est partie avec…