Ce phénomène curieux, rare, dangereux et incompris — mais ne le sommes-nous pas tous ? — à la forme d'une boule. Ou d'une bille. Ou d'un boulet. Il est léger : appelons-le « ballon », mais pas de rugby, puisqu'il est sphérique et n'a pas pour vocation d'être aplati dans l'en-but adverse. Parfois, la foudre en boule apparaît sous une forme proche de celle d'un œuf, ce qui serait idéal pour le transporter d'un côté à l'autre du terrain sous le bras, mais notre décision est prise depuis la phrase précédente : pas de sport ici !
Le ballon de foudre se déplace plus lentement que la plupart des éclairs : bien moins vite que le phénomène naturel se produisant en général lors d'un orage, un peu plus lentement que le véhicule à moteur doté de pneumatiques conduit par les frères Michelin lors du Paris-Bordeaux-Paris de 1895, mais assurément plus vélocement qu'une pâtisserie oblongue fourrée de crème au chocolat.
Lors du grand orage de La Grand-Combe de la Lande (Widecombe in the Moor) de 1638, une grosse boule de foudre détruisit à moitié l'église où elle était entrée. Les culs-bénits superstitieux du village rejettèrent la faute sur le joueur de cartes Jan Reynolds (qui, si l’étymologie est exacte, signifie « L’entité extra-terrestre aux pouvoirs époustouflants fait grâce », pour le prénom et « Conseil des ministres » pour le nom de famille) qui aurait, selon les dires de la voisine qui l’avait entendu de la bouche du cousin du rémouleur — et de ses propres oreilles, puisqu’après tout c'est leur fonction première —, fait un pacte avec le Diable pour être chanceux au jeu. Le démon lui avait interdit de dormir dans l’église, car c’est peut-être une entité maléfique, mais c’est aussi un bon chrétien. Jan s’endormit, lui et trois autres joueurs dans ce lieu, et le malheur arriva, sous la forme d’une grosse boule de foudre. Jan Reynolds fut bien obligé de sortir, sous la pluie, au milieu de la rue principale du village, où l’attendait le Diable, mal rasé, la main sur le colt et le Stetson au niveau des yeux pour l’affronter dans un duel à la cinématographie soignée à l'italienne et une musique de Guido et Maurizio De Angelis. Les témoignages divergeant, il est possible qu'il soit mort ce soir-là.
Ou alors je n’ai pas trop compris l’histoire que l’on m’a raconté dans les trois pubs avoisinants, les détails changeant d’un lieu de beuverie à l’autre et l’ivresse allant en augmentant au fur et à mesure de la soirée.