Se plonger dans la narration demande une certaine préparation, d’abord physique — étirements, marche, lever d’enclumes, béret vissé sur la tête, et lancer de tronc d’arbres en kilt — ; il faut aussi avoir l’équipement adéquat : des palmes (académiques), un pince-nez (binocles, signe évident d’une grande érudition), un masque (car il vaut mieux garder l’anonymat si la célébrité venait à frapper à la porte, suite à la publication du texte) et un tuba (idéal pour accompagner la récitation du texte en question par quelque comparse). Le slip de bain est optionnel.
On peut remercier toutes les personnes de sa connaissance, de la factrice au boulanger, en passant par le voisin qui travaille de nuit et qui fait un boucan d’enfer quand il revient chez lui à 6 heures du matin, avant de rentrer vraiment dans le vif du sujet car une bonne tartine permet à la fois de donner l’illusion d’avoir une vie sociale et de renforcer le sérieux de l’ouvrage, mais attention : cela fait fuir le lecteur lambda et la lectrice epsilon.
Et donc, de quoi allons-nous parler ? Cet article est-il lui-même un proëme ? Devrons-nous aller plus loin que cette introduction encore un peu courte, n’hésitons pas à rajouter quelques lignes ? Je n’ai pas encore de réponse à ces deux questions, ayant, à vrai dire, la tête vide, malgré mon élégant costume de bain métaphorique, à commencer par les lorgnons et mon identité masquée, ohé ohé, devinez, devinez qui je suis, comme on dit en créole de Fort-de-France. Néanmoins, je suis fin prêt pour le dîner de gala qui n’en est pas un et que nous a promis l’homme à l’élégante verrue génienne, l’inégalable Mao Zedong (毛泽东) : la révolution.
Le couteau entre les dents, je m’en vais terroriser le bourgeois en le menaçant d’une diminution de son capital bien mal acquis par l’exploitation éhonté du prolétariat. Il tremble le bourgeois. Il ne fait pas le fier. Redistribution des richesses, remise des compteurs à zéro et une bonne fessée cul-nu : il va se retrouver à casser du caillou dans un coin reculé de la Sibérie pour le restant de ses jours, tout honteux, tout penaud, le gredin.
Le beau programme que voilà ! Mais comment allons-nous nous y prendre ? Est-il possible d’élaborer, de donner des indications claires et précises pour enfin châtier ce brigand ? Bien sûr, et pas plus tard que tout de suite. Hélas, le proëme étant sans suite, je me permets de revenir immédiatement sur ma parole et de ne rien faire. Ce n’est pas que je ne veuille pas, mais j’ai un cahier des charges à suivre, que voulez-vous !