La conférence de Milikapiti

Le village de Milikapiti, situé à une latitude de 11 degrés et 25 minutes Sud et une longitude de 130 degrés et 40 minutes Est, soit à peu près là, accueillit du samedi 22 au mercredi 33 février 1958, la conférence internationale de la chambre à air. Des scientifiques pneumatiques de quarante-trois nations, s'y rencontrèrent dans une ambiance sérieuse mais bon enfant1) pour y parler caoutchouc, vulcanisation et pompe à vélo.

Il y a un avant et un après IB (pour internationale binnenbandenconferentie, le néerlandais étant l'une des quarante-huit langues de travail2)), ce qui n'est pas vraiment surprenant, mais la phrase est jolie ; gardons-la. On profita de l'occasion pour, non seulement parler pneus, mais aussi résoudre trois problèmes de mathématiques non résolus — ce qui est plus constructif mais moins facile que de résoudre des problèmes déjà résolus — comme la conjecture de Birch et Swinnerton-Dyer ; la démonstration s'est hélas perdue par la poste entre Milikapiti et l'académie impériale des sciences d'Arachosie.

Amantle Mokgatlhe, de la délégation du Bechuanaland (actuel Botswana) et Attila Szilágyi, capitaine de l'équipe de cyclisme sur route de Hongrie, firent sensation en se déclarant mutuellement leur amour, le troisième jour de la conférence, juste après avoir expliqué comment produire du caoutchouc vulcanisé de manière non toxique et en grande quantité à partir d'algue rouge, pour l'une, et gagné la course cycliste autour de l'île pour l'autre. Il fut décidé, promis même, par le comité organisateur, de célébrer le mariage avant le mois de mars. Les problèmes organisationnels s'accumulant, plutôt que de revenir sur sa promesse, ce même comité préféra rajouter quelques jours au mois de février.

Pendant ce temps, à Milwaukee, Wisconsin, Harvey S. Firestone Jr, de la Firestone Tire and Rubber Company (Entreprise pierre à feu de pneus et de caoutchouc), attendait l'arrivée de ses invités prestigieux en sirotant une bière, sur les bords du lac Michigan. Il était très fier des cartons d'invitations en police de caractère Copperplate script qu'il avait envoyé à la crème de la crème de la chambre à air mondiale, mais il ignorait complètement qu'à cause d'une petite erreur lors de l'impression tout le monde était parti au nord de l'Australie.

1)
L'une n'empêche pas l'autre. C'est une enfant sage. Je mets au défi mon lectorat de me prouver le contraire. La personne qui y parviendra aura toute ma gratitude ainsi qu'un panier garni.
2)
Sans toutes les citer, les autres langues étaient bien sûr le Tiwi, la langue de l'île, l'anglais, parlé par la représentante du gouvernement australien, Maud Motlop, et celles des scientifiques, ce qui aurait du faire un total de quarante-cinq au maximum si Marcellin Brunet, le chercheur français n'avait pas insisté pour intervenir systématiquement en deux langues, le français et l'occitan, et si Quim Frijoles ne l'avait pas suivi en décidant que lui parlerait trois langues : le catalan, le galicien de sa mère et le basque, qu'il ne maîtrisait pas du tout, pour marquer son opposition au régime franquiste ; après la conférence, il ne rentra pas en Espagne par peur de représailles, et partit s'installer chez son ami Marcellin Brunet, à Luchon, qui ne lui avait rien demandé et qui le chassa comme un malpropre.