Le tricot

S'il est une activité manuelle représentative d'une élite céleste, puisque c'est bien connu, n'est divin que le plus léger que l'air, c'est bien le tricot. On comprend par là même l'engouement de certains à apprendre à tricoter des pulls pour l'hiver, installés confortablement dans un dirigeable à mille mètres au-dessus des plus hautes cimes d'Europe. Se rapprocher de l'émanent éthéré est certes une raison suffisante pour risquer sa peau, mais dans des conditions de voyage décentes, voulez-vous.

Le tricot est un art martial cotonneux qui demande un entraînement de longue haleine. Le matériau principal à maîtriser n'est pas, au contraire d'autres méthodes de combat, la brique ou le mannequin en bois mais bien la laine. Petite parenthèse au passage : saviez-vous que l'on appelait « réarrangement de Skattebøl » une réaction organique permettant de former l'allène ? Et aussi que sur le corps humain, à chaque flanc on trouvait, là, l'aine ?

Le tricoteur peut bien s'en passer de la laine, mais ce qui lui faut pour exprimer son art c'est avant tout un ennemi à combattre. Le machisme étant l'adversaire idéal, il a été trop longtemps cru que le tricot n'était qu'un sport de combat pratiqué dans le gynécée. Grave erreur! Traversant les barrières, franchissables puisqu'elle les traverse, l'aiguille à tricoter, arme de poing, peut très bien être maniée par un homme viril et plein de poils pour écraser enfin l'insolent saligaud, l'ennemi du beau, le pleutre à la lèvre glabre du camp d'en face.