Objet favorisant la procrastination, l'action dans l'inaction et l'inaction dans l'action, l'oreiller doit, pour être pleinement effectif, être posé sur une surface stable, ni trop molle, ni trop dure et soutenir au minimum une oreille – si l'oreille fait défaut on parlera plutôt de coussin ou d'oreiller postimpressionniste.
Priska Castel-Mou, nymphe de la rivière Makombé de nuit et grande littératrice camerounaise de jour, en fait un usage immodéré. Entre deux siestes, elle écrit son grand œuvre, Le traversin au travers des âges, monument de la littérature picaresque allongée en quarante volumes – plus qu'une quinzaine et le compte sera bon. Le dernier volume en date, La guerre des polochons ou les errances de la jeunesse en colonies de vacances, comme tous les précédents, a été allègrement plagié par des écrivains moins talentueux. Sa maison d'édition étant la même que celle de ces gratte-papier, elle ne peut agir contre ces coquins que par elle-même. C'est donc avec une volonté de fer, un entraînement martial d'acier, et une haine en platine laminé qu'elle a décidé de les occire les uns après les autres, mais pas tout de suite, il se fait tard, on verra demain.
L'oreiller apaise, délasse, repose et hypnotise. La personne envoûtée ne peut plus agir, ne plus être actif dans le présent et doit lui obéir, au repose-tête rembourré. C'est lui, l'objet moelleux, qui nous dirige dans la direction opposée à la praxis. Priska Castel-Mou en parle assez bien au treizième chapitre de Force et détermination, à quoi bon ? (Le traversin au travers des âges, volume XII). Nous pourrions vous en présenter un extrait ici, sur-le-champ, mais cela nécessiterait de nous un travail de saisie supplémentaire dont nous ne nous sentons pas capable. Car nos paupières sont lourdes, nous avons sommeil. On verra demain.