L'accordéon

Instrument de prédilection des présidents auvergnats, le piano à bretelles à bien de l'allure. Les mélomanes l'apprécieront les soirs de fêtes, dans un petit village du Cantal pour accompagner une fourme d'Ambert ou un Saint-Nectaire, entre deux bourrées d'Aurillac. Le grand frère du bandonéon est un charmeur. Des ses anches sortent, du moins sous des doigts experts, une douce mélodie qui n'a rien à envier aux sirènes, celles de la Grande-Grèce qui, fait peu glorieux, échouèrent à se débarrasser du vaniteux Odysseus. C'est surtout vrai pour l'accordéon Schrammel.

Le piano du pauvre se joue collé tout contre la poitrine, avec nonchalance, l'œil humide, l'âme mélancolique. Les mains musiciennes doivent, d'elles-mêmes, glisser habilement sur les boutons, choisir au bon moment lesquels effleurer, pendant que la tête est ailleurs, dans la nostalgie d'un temps qui n'existe plus qu'en rêve.

Quand l'accordéoniste doit animer un bal populaire, deux options lui sont offertes : laisser de côté son vague à l'âme et s'oublier dans la musette, le sourire crispée et le toucher nerveux, ou trouver, coûte que coûte, le moyen de s'éclipser. Le second choix, celui des grands artistes, demande une très bonne condition physique et beaucoup d'ingéniosité.

Et c'est à cela qu'on reconnaît le gratin de l'accordéon : alors que certains sont capable de jouer de la Schrammelmusik entre deux courses cyclistes, d'autres, les habitués des bastringues, se laissent un peu aller sur la charcuterie et ne font le Tour de France que juchés sur un véhicule publicitaire.

Le néophyte évitera bien, pour ne pas se faire de fausses idées sur ce bel instrument, de prendre le métro de la capitale en matinée. C'est un conseil. Vous êtes libre de vos gestes, mais si vous le faites, ce sera en connaissance de cause. Faudra pas venir pleurer après.