La solitude

La solitude est un état caractérisant celui qui est seul. Il n'a pas de chance, celui qui est seul. Ou alors, il l'a bien cherché. Mais quelle qu'en soit la cause, le solitaire, puisqu'il convient d'appeler ainsi celui que la solitude caractérise, n'a pas de compagnons, pas de compagnes, ou alors si, mais c'est d'animaux qu'il s'agit. Le solitaire aime à s'entourer d'animaux de compagnie, chats, chiens, dindons, lapins ou vieilles tantes arthritiques. Il aime à s'entourer de livres, car si les humains vont et viennent, les livres, quant à eux, demeurent et regardent passer les trains. Quand il s'ennuie, le solitaire entreprend de grandes marches le long du rivage, des randonnées en aveugle dans les chemins de la vie, il ouvre des pages de ses livres, qu'il regarde sans les voir, car il pense à ailleurs. Oui. Le solitaire est avant tout voyageur, de ces aventuriers du quotidien qui n'envisagent jamais sans une certaine amertume, sans un certain pincement au cœur, de se séparer de leurs murs, de leur basse-cour et de leurs êtres chers (en pensée) pour s'aller évader, loin du monde réel, de la grisaille et de l'immensité, vers des horizons poussiéreux où le passage des cavaliers de l'infini se voit de loin.

Quand il s'ennuie, le solitaire peut, accessoirement, mettre à profit la présence de ses amis poilus, ou à plumes, pour les peler, les dépecer, bref, les débarrasser de cet encombrant pyjama de fourrure dont la nature les a pourvus, pour les faire revenir à leur originel état, dans une sauce aux câpres, avec des champignons, et peupler sa solitude du goût de ces amis si tendres qu'il est bon connaître, pour peu qu'on en ait la patience.

Enfin, s'il a du temps à perdre, et du poil au menton, le solitaire peut, à son avantage et dans le plus parfait mépris des conventions du jour, se laisser pousser la moustache. Il en sortira grandi, moustachu, le dos voûté et l'estomac plein à craquer de bonnes victuailles telles que le terroir français (ou belge, ou assimilé) aime à les produire.